En vue de la journée mondiale des communications sociales, qui sera célébrée le 13 mai 2018, le pape François a délivré un message le 24 janvier 2018, en la fête de Saint François de Sales (patron des journalistes). Le thème de cette année est basée sur le verset biblique « La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Il aborde le phénomène des fausses nouvelles (Fake news) et le journalisme de paix.
L’ensemble du message du 24 janvier 2018 est accessible sur le site du Vatican. Cet article en reprend les éléments essentiels.
Message du pape : introduction
Chers frères et sœurs,
Dans le dessein de Dieu, la communication humaine est un moyen essentiel de vivre la communion. L’être humain, image et ressemblance du Créateur, est capable d’exprimer et de partager le vrai, le bien, le beau. Il est capable de raconter sa propre expérience et le monde, et de construire ainsi la mémoire et la compréhension des événements.
Mais l’homme, s’il suit son propre égoïsme orgueilleux, peut faire un usage déformé de la faculté de communiquer, … La manipulation de la vérité est le symptôme typique d’une telle distorsion, tant au niveau individuel que collectif…
Aujourd’hui, dans un contexte de communication toujours plus rapide et au sein d’un système numérique, nous voyons le phénomène des «fausses nouvelles», les soi-disant fake news : cela nous invite à réfléchir et m’a suggéré de consacrer ce message au thème de la vérité, ….
Je voudrais ainsi contribuer à l’engagement commun pour prévenir la diffusion de fausses nouvelles et pour redécouvrir la valeur de la profession journalistique et la responsabilité personnelle de chacun dans la communication de la vérité. |
Qu’est-ce qui est faux dans les « fausses nouvelles »?
Fake news est un terme discuté et qui fait l’objet de débat. Il s’agit généralement de la désinformation diffusée en ligne ou dans les médias traditionnels. Cette expression fait référence à des informations non fondées, basées sur des données inexistantes ou déformées et visant à tromper voire à manipuler le lecteur ….
2. Comment pouvons-nous les reconnaître ?
Aucun d’entre nous ne peut être exonéré de la responsabilité de contrecarrer ces faussetés. Ce n’est pas une tâche facile, parce que la désinformation est souvent basée sur des discours variés, délibérément évasifs et subtilement trompeurs, et use parfois de mécanismes raffinés. Il convient donc de louer les initiatives éducatives qui permettent d’apprendre à lire et à évaluer le contexte communicatif, enseignant à ne pas être des propagateurs inconscients de la désinformation, mais des acteurs de son dévoilement ….
Mais la prévention et l’identification des mécanismes de la désinformation nécessitent également un discernement profond et attentif. Il faut démasquer en effet ce qui pourrait être défini comme « la logique du serpent », capable partout de se dissimuler et de mordre. C’est la stratégie utilisée par le «serpent rusé», dont parle le Livre de la Genèse, celui qui, au commencement de l’humanité, est devenu l’auteur de la première “fake news” (cf. Gn 3,1-15), qui a conduit aux conséquences tragiques du péché … Ce que Dieu avait dit à Adam n’était pas en réalité de ne manger d’aucun arbre, mais seulement d’un arbre : « Mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas » (Gn 2,17) ….
L’enjeu en fait, c’est notre avidité. Les fake news deviennent souvent virales, en réalité elles se répandent rapidement et de manière difficilement contrôlable, non pas en raison de la logique de partage qui caractérise les médias sociaux, mais plutôt pour leur emprise sur l’avidité insatiable qui s’allume facilement dans l’être humain. Les mêmes motivations économiques et opportunistes de la désinformation ont leur racine dans la soif du pouvoir, de l’avoir et du plaisir, qui, finalement, nous rend victimes d’un imbroglio beaucoup plus tragique que chacune de ses manifestations singulière : celui du mal, qui se meut de mensonge en mensonge pour nous voler la liberté du coeur. C’est pourquoi éduquer à la vérité signifie éduquer à discerner, évaluer et pondérer les désirs et les inclinations qui s’agitent en nous, pour ne pas nous retrouver privés de bien « en mordant » à toute tentation.
3. «La vérité vous rendra libres» (Jn 8,32)
La contamination continuelle par un langage trompeur finit en fait par embrumer l’intériorité de la personne. Dostoïevski a écrit quelque chose de remarquable dans ce sens : « Celui qui se ment à soi-même et écoute ses propres mensonges arrive au point de ne plus pouvoir distinguer la vérité ni en soi ni autour de soi ; ainsi il commence à ne plus avoir l’estime de soi ni des autres. Ensuite, n’ayant plus l’estime de personne il cesse aussi d’aimer, et alors en manque d’amour, pour se sentir occupé et se distraire, il s’adonne aux passions et aux plaisirs vulgaires ; et dans ses vices il va jusqu’à la bestialité; et tout cela dérive du mensonge continuel aux autres et à soi-même.» (Les frères Karamazov, II, 2).
Comment nous défendre? L’antidote le plus radical au virus du mensonge est de se laisser purifier par la vérité.
- Dans la vision chrétienne, la vérité n’est pas seulement une réalité conceptuelle, qui concerne le jugement sur les choses, les définissant vraies ou fausses.
- La vérité ne consiste pas seulement à porter à la lumière des choses obscures, à « dévoiler la réalité », comme l’ancien terme grec qui le désigne, aletheia (de a-lethès, « non caché »), conduit à penser.
- La vérité a à voir avec la vie entière. Dans la Bible, la notion porte en soi le sens de soutien, de solidité, de confiance, … La vérité est ce sur quoi l’on peut s’appuyer pour ne pas tomber. Dans ce sens relationnel, le seul vraiment fiable et digne de confiance, sur lequel on peut compter, et qui est «vrai», est le Dieu vivant. Et c’est l’affirmation de Jésus: « Je suis la vérité » (Jn 14,6). L’homme, alors, découvre et redécouvre la vérité quand il en fait l’expérience en lui-même comme fidélité et fiabilité de celui qui l’aime. C’est seulement cela qui libère l’homme : « La vérité vous rendra libres » (Jn 8,32).
Libération du mensonge et recherche de la relation : voici les deux ingrédients qui ne peuvent pas manquer pour que nos paroles et nos gestes soient vrais, authentiques, fiables. |
Pour discerner la vérité, il est nécessaire d’examiner ce qui favorise la communion et promeut le bien et ce qui, au contraire, tend à isoler, diviser et opposer. La vérité, par conséquent, ne s’acquiert pas vraiment quand elle est imposée comme quelque chose d’extrinsèque et d’impersonnel; elle découle au contraire de relations libres entre les personnes, de l’écoute réciproque.
En outre, on ne cesse jamais de chercher la vérité, parce que quelque chose de faux peut toujours s’insinuer, même en disant des choses vraies. Un argument impeccable peut en fait reposer sur des faits indéniables, mais s’il est utilisé pour blesser quelqu’un et pour le discréditer aux yeux des autres, aussi juste qu’il apparaisse, il n’est pas habité par la vérité.
A partir des fruits, nous pouvons distinguer la vérité des énoncés: s’ils suscitent la controverse, fomentent les divisions, insufflent la résignation ou si, au contraire, ils conduisent à une réflexion consciente et mûre, au dialogue constructif, à une dynamique fructueuse.
4. La paix est la vraie nouvelle
Le meilleur antidote contre les faussetés, ce ne sont pas les stratégies, mais les personnes : des personnes qui, libres de l’avidité, sont prêtes à l’écoute et à travers l’effort d’un dialogue sincère laissent émerger la vérité ; des personnes qui, attirées par le bien, se sentent responsables dans l’utilisation du langage.
Si la façon de sortir de la propagation de la désinformation est la responsabilité, cela concerne particulièrement celui qui est responsable par devoir d’informer, c’est-à- dire le journaliste, gardien des nouvelles. Celui-ci, dans le monde contemporain, n’exerce pas seulement un métier, mais une véritable mission. Il a la tâche, dans la frénésie des nouvelles et dans le tourbillon des scoop, de rappeler qu’au centre des informations ce n’est pas la rapidité dans la transmission et l’impact sur l’audience, mais ce sont les personnes. Informer c’est former, c’est avoir affaire avec la vie des personnes. C’est pourquoi, l’exactitude des sources et le soin de la communication sont de véritables processus de développement du bien, qui génèrent la confiance et ouvrent des voies de communion et de paix.
Promouvoir un journalisme de paix
Je voudrais donc adresser une invitation à promouvoir un journalisme de paix, n’ayant toutefois pas l’intention avec cette expression d’évoquer un journalisme «débonnaire» qui nie l’existence de graves problèmes et assume des tonalités mielleuses. J’entends, au contraire, un journalisme sans duperies, hostile aux faussetés, aux slogans à effet et aux déclarations emphatiques; un journalisme fait par des personnes pour les personnes, et qui se comprenne comme un service à toutes les personnes, spécialement à celles-là – qui sont la majorité au monde – qui n’ont pas de voix; un journalisme qui ne brûle pas les nouvelles, mais qui s’engage dans la recherche des véritables causes des conflits, pour en favoriser la compréhension à partir des racines et le dépassement à travers la mise en route de processus vertueux; un journalisme engagé à indiquer des solutions alternatives à l’escalade de la clameur et de la violence verbale.
C’est pourquoi, nous inspirant d’une prière franciscaine, nous pourrions ainsi nous adresser à la Vérité en personne :
Seigneur, fais de nous des instruments de ta paix.
Fais-nous reconnaitre le mal qui s’insinue dans une communication qui ne crée pas la communion.
Rends-nous capables d’ôter le venin de nos jugements.
Aide-nous à parler des autres comme de frères et de sœurs.
Tu es fidèle et digne de confiance; fais que nos paroles soient des semences de bien pour le monde :
Là où il y a de la rumeur, que nous pratiquions l’écoute;
Là où il y a confusion, que nous inspirions l’harmonie;
Là où il y a ambiguïté, que nous apportions la clarté;
Là où il y a exclusion, que nous apportions le partage;
Là où il y a du sensationnalisme, que nous usions de la sobriété;
Là où il y a de la superficialité, que nous posions les vraies questions;
Là où il y a des préjugés, que nous suscitions la confiance;
Là où il y a agressivité, que nous apportions le respect;
Là où il y a la fausseté, que nous apportions la vérité.Amen.
Du Vatican, le 24 janvier 2018, mémoire de Saint François de Sales
Pape François
Pourquoi une journée mondiale ?
La journée mondiale des communications sociales, instaurée depuis le concile Vatican II, est un temps de réflexion, de prière et de partage autour de l’enjeu de l’annonce de l’Evangile auprès du plus grand nombre, par le biais des différents médias, qu’ils soient profanes ou gérés par des organismes chrétiens.
L’objectif de cette journée est aussi de mieux faire connaître les moyens de communication au niveau des paroisses, des diocèses et des services de l’Eglise catholique.
Médias paroissiaux et diocésains
Pour découvrir tous les moyens de vous informer sur les paroisses de Sarreguemines et le diocèse : consultez l’article médias paroissiaux de Sarreguemines et du diocèse de Metz.
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